Une révolution technologique se prépare dans le domaine des interfaces cerveau-ordinateur. La startup californienne Cognixion vient d'annoncer le lancement d'un essai clinique visant à intégrer sa technologie non invasive dans le casque de réalité mixte d'Apple, l'Apple Vision Pro. Cette innovation pourrait transformer la vie des personnes atteintes de troubles sévères de la parole.

Une approche non invasive pour démocratiser l'accès

Contrairement à Neuralink, qui développe des implants cérébraux nécessitant une intervention chirurgicale, Cognixion a opté pour une solution non invasive. Leur système combine le casque Apple Vision Pro modifié avec un bandeau personnalisé équipé de six capteurs EEG (électroencéphalographiques). Ces capteurs capturent les signaux cérébraux depuis le cortex visuel et pariétal, situés à l'arrière de la tête.

Andreas Forsland, PDG de Cognixion, explique cette orientation stratégique : « Pour démocratiser l'accès, vous devez proposer une solution présentant le moins de risques possible et la plus acceptable pour une adoption par le plus grand nombre. » Cette philosophie trouve son origine dans l'expérience personnelle du fondateur, dont la mère, intubée en réanimation, était consciente mais incapable de communiquer.

Comment fonctionne le système ?

Le dispositif de Cognixion repose sur plusieurs innovations technologiques :

  • Un bandeau EEG personnalisé remplaçant le bandeau d'origine de l'Apple Vision Pro
  • Une application de réalité augmentée dédiée aux interfaces cerveau-ordinateur
  • Une intelligence artificielle générative personnalisée pour chaque utilisateur
  • Un module de calcul neural porté à la hanche pour traiter les données cérébrales

Le système identifie spécifiquement les signaux de fixation visuelle, qui se produisent lorsqu'une personne maintient son regard sur un objet. Cette technologie permet aux utilisateurs de sélectionner des options dans l'interface par la seule attention mentale, sans aucun mouvement physique.

Une IA sur mesure pour chaque utilisateur

L'élément clé de cette innovation réside dans l'intelligence artificielle générative développée par Cognixion. Chris Ullrich, directeur technique de l'entreprise, détaille : « Nous construisons une IA pour chaque participant individuel, personnalisée avec son historique de parole, son style, son humour, tout ce qu'il a écrit ou dit que nous pouvons collecter. »

Cette approche personnalisée permet de créer ce que les ingénieurs appellent un « proxy utilisateur », capable de générer des suggestions pertinentes et adaptées au style de communication de chaque personne. Les utilisateurs peuvent soit choisir parmi les propositions de l'IA, soit composer leurs propres messages.

Des résultats prometteurs avec le casque Axon-R

Avant de se tourner vers l'Apple Vision Pro, Cognixion avait développé son propre casque, l'Axon-R, testé avec des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Les résultats étaient encourageants : les participants pouvaient « parler » à travers le casque à une vitesse approchant celle d'une conversation normale.

Dans une démonstration vidéo, un rabbin atteint de SLA répondait à la question « Comment restez-vous si positif ? » en utilisant la technologie Cognixion : « J'essaie de voir le bon dans chaque situation. » Ces tests ont montré que les patients pouvaient utiliser confortablement l'interface cerveau-ordinateur plusieurs heures par jour, plusieurs fois par semaine.

Les défis techniques et réglementaires

Le principal défi des interfaces non invasives réside dans la qualité des signaux cérébraux. Jonathan Kao, chercheur en interfaces cerveau-ordinateur à l'UCLA, souligne : « Les signaux capturés par les systèmes non invasifs sont beaucoup plus faibles et bruyants que ceux des implants. Personne n'a encore réussi à produire un dispositif grand public qui corresponde aux performances d'un dispositif invasif. »

Ce signal de moindre qualité peut entraîner une expérience utilisateur frustrante et lente. Cependant, les IA copilotes comme celle développée par Cognixion pourraient combler cet écart de performance, rendant les systèmes non invasifs plus utilisables pour les patients.

Sur le plan réglementaire, Cognixion devra prouver l'efficacité de son dispositif auprès de la Food and Drug Administration (FDA). Chris Ullrich anticipe un essai pivot plus important avec environ 30 patients. L'évaluation portera probablement sur la convivialité du dispositif et son impact sur l'amélioration de la qualité de vie des utilisateurs.

Un marché en pleine évolution

L'initiative de Cognixion s'inscrit dans un mouvement plus large d'ouverture d'Apple aux technologies d'assistance. En mai 2025, la firme de Cupertino avait annoncé un nouveau protocole permettant aux utilisateurs souffrant de handicaps moteurs sévères de contrôler l'iPhone, l'iPad et le Vision Pro sans mouvement physique.

Une autre entreprise, Synchron, qui développe un implant inséré dans un vaisseau sanguin adjacent au cerveau, a également intégré son système avec le Vision Pro. Apple ne développerait pas sa propre interface cerveau-ordinateur, mais ouvre sa plateforme à ces innovations tierces.

Perspectives et implications

L'intégration avec l'Apple Vision Pro offre des avantages significatifs par rapport au casque Axon-R dédié. « Le Vision Pro vous donne toutes vos applications, l'App Store, tout ce que vous voulez faire », note Andreas Forsland. Cette approche permet aux utilisateurs de bénéficier non seulement de l'outil de communication, mais aussi de l'écosystème complet d'Apple.

Les outils de communication actuels présentent des limitations importantes. Les tableaux alphabétiques manuels nécessitent l'intervention d'un soignant pour deviner le sens, un processus long et fastidieux. Les technologies de suivi oculaire restent coûteuses et pas toujours fiables.

Chris Ullrich résume la philosophie de Cognixion : « Notre approche vise à réduire la charge générée par les besoins de communication de la personne. »

À retenir

  • Cognixion développe une interface cerveau-ordinateur non invasive pour l'Apple Vision Pro
  • La technologie cible les personnes paralysées avec troubles de la parole (SLA, AVC, lésions médullaires)
  • Le système utilise un bandeau EEG personnalisé et une IA générative adaptée à chaque utilisateur
  • Un essai clinique avec 10 participants est en cours aux États-Unis
  • L'approche non invasive vise une démocratisation plus large que les implants cérébraux
  • Les défis incluent la qualité des signaux et l'approbation réglementaire