Dans les coulisses des directions financières, un outil règne en maître depuis des décennies : Microsoft Excel. Malgré l'émergence de logiciels spécialisés, les feuilles de calcul demeurent l'outil de prédilection pour la clôture mensuelle, la réconciliation des données et la préparation des audits. Un paradoxe que deux anciens cadres de Microsoft entendent bien résoudre avec Maximor, leur startup qui vient de lever 9 millions de dollars en financement initial.
Le constat : l'omniprésence tenace d'Excel
Ramnandan Krishnamurthy, PDG et cofondateur de Maximor, explique le phénomène : « Même avec des systèmes ERP, CRM et de facturation dédiés, de nombreuses entreprises de taille moyenne continuent d'exporter leurs transactions vers Excel pour effectuer des réconciliations manuelles. Les équipes traitent les feuilles de calcul comme des bases de données de fortune, utilisant parfois des fonctions comme VLOOKUP pour aligner les chiffres entre différents fichiers. »
Cette dépendance à Excel représente un goulet d'étranglement significatif. Les processus manuels prolongent le temps de clôture mensuelle, génèrent des erreurs potentielles et détournent les équipes financières de leur mission stratégique. Un problème particulièrement aigu pour les entreprises générant plus de 50 millions de dollars de revenus annuels, la cible privilégiée de Maximor.
La solution : un réseau d'agents IA connectés
La réponse de Maximor repose sur une architecture innovante : un réseau d'agents d'intelligence artificielle qui se connectent directement aux systèmes existants. Ces agents extraient et traitent automatiquement les transactions depuis les ERP comme NetSuite et Intacct, les outils comptables tels que QuickBooks et Zoho Books, ainsi qu'une gamme de plateformes SaaS de paie, CRM et autres.
« Notre approche permet d'unifier les données opérationnelles et financières en temps réel, au lieu d'attendre la fin du mois pour tout trier », précise Krishnamurthy. Cette vision s'est concrétisée durant l'été 2024, lorsqu'il a fondé Maximor avec Ajay Krishna Amudan, aujourd'hui directeur technique. Les deux hommes, qui collaborent depuis quatorze ans après s'être rencontrés à l'IIT-Madras, ont puisé dans leur expérience commune chez Microsoft pour concevoir cette plateforme.
Des résultats concrets dès les premiers déploiements
Les bénéfices de l'approche Maximor se matérialisent déjà chez les clients précoces. Rently, une entreprise proptech, a réduit son processus de clôture de huit à quatre jours et a évité deux recrutements comptables supplémentaires. Plus significatif encore : l'entreprise a pu rediriger près de la moitié du temps de son équipe vers des travaux stratégiques.
Dustin Neel, directeur financier de Rently, témoigne : « La plateforme agentique de Maximor a transformé notre fonctionnement. Nous avons non seulement accéléré nos processus, mais surtout libéré du temps précieux pour des analyses à plus forte valeur ajoutée. »
Une compatibilité Excel maintenue pour faciliter l'adoption
L'une des particularités de Maximor réside dans son approche pragmatique de la transition. Bien que l'objectif soit de réduire la dépendance à Excel, la plateforme permet toujours d'exporter les données réconciliées vers des feuilles de calcul – un format que de nombreux auditeurs et membres d'équipes financières préfèrent avant d'envoyer les chiffres à l'audit.
« Nous sommes interopérables avec Excel sur cet aspect, car notre plateforme effectue le travail et peut le présenter dans notre propre interface ou directement dans Excel », explique le PDG de Maximor. Cette flexibilité stratégique vise à contourner les résistances au changement tout en modernisant progressivement les processus.
L'option « humain dans la boucle » : le meilleur des deux mondes
Au-delà de l'automatisation pure, Maximor propose une approche hybride innovante. La startup offre en effet des comptables humains comme option complémentaire au travail des agents IA, ou comme service comptable complet pour les entreprises sans équipe financière interne.
Cette proposition peut sembler contre-intuitive pour une entreprise qui se présente comme une startup d'IA automatisant le travail comptable. Pourtant, Krishnamurthy défend cette approche : « Le logiciel est autonome, avec des agents gérant le travail de bout en bout de manière indépendante. Les agents agissent comme préparateurs et les personnes comme réviseurs, un fonctionnement qui ressemble beaucoup aux équipes comptables traditionnelles, où le personnel junior s'occupe des tâches routinières et les managers se concentrent sur la supervision. »
Un financement significatif et un réseau d'experts
Le tour de table de 9 millions de dollars mené par Foundation Capital, avec la participation de Gaia Ventures et Boldcap, témoigne de la confiance des investisseurs dans cette vision. L'expérience financière des fondateurs chez Microsoft a également attiré des business angels prestigieux, incluant des directeurs financiers et leaders financiers de Ramp, Gusto, MongoDB, Zuora et des Big Four.
Parmi les investisseurs individuels figurent Aravind Srinivas, PDG de Perplexity et ancien camarade de classe de Krishnamurthy à l'IIT-Madras, ainsi que Tien Tzuo, PDG de Zuora, présenté par les capital-risqueurs soutenant le tour de table.
Une ambition internationale dès le départ
Maximor, dont le siège est situé à New York avec un bureau à Bengaluru, compte déjà 18 employés répartis presque équitablement entre les États-Unis et l'Inde. La startup recrute activement dans les deux régions et compte des clients précoces aux États-Unis, en Chine et en Inde.
Son logiciel supporte à la fois les normes comptables GAAP et IFRS, une caractéristique essentielle pour répondre aux besoins des entreprises ayant une empreinte mondiale. Cette capacité à gérer différentes normes comptables positionne Maximor comme un acteur potentiellement disruptif sur le marché international de la finance d'entreprise.
Perspectives et implications du marché
L'émergence de solutions comme Maximor s'inscrit dans une tendance plus large d'automatisation des fonctions financières par l'IA. Alors que les entreprises cherchent à optimiser leurs coûts et améliorer leur agilité, l'automatisation des processus financiers représente un levier de productivité significatif.
Le modèle de Maximor, combinant automatisation IA et flexibilité humaine, pourrait établir un nouveau standard pour les plateformes financières destinées aux entreprises de taille moyenne. Sa capacité à s'intégrer aux systèmes existants tout en réduisant la dépendance à Excel répond à une demande latente dans un marché mature pour les solutions ERP mais encore fragmenté pour l'automatisation financière avancée.
« Notre objectif n'est pas de remplacer les équipes financières, mais de les libérer des tâches fastidieuses pour qu'elles puissent se concentrer sur l'analyse stratégique et la création de valeur. »
Alors que Maximor sort de sa phase furtive, l'industrie financière observe avec attention cette tentative de moderniser des processus ancrés dans des décennies de pratiques établies. Le succès ou l'échec de cette approche pourrait déterminer l'avenir de l'automatisation financière pour les années à venir.
À retenir
- Maximor lève 9M$ pour remplacer Excel par des agents IA en finance
- Réduction démontrée du temps de clôture mensuelle (de 8 à 4 jours)
- Compatibilité maintenue avec Excel pour faciliter la transition
- Option « humain dans la boucle » pour revue ou service complet
- Cible : entreprises avec au moins 50M$ de revenus
- Support des normes GAAP et IFRS pour une portée internationale