Dans l'arène tumultueuse de l'intelligence artificielle, où les méga-partenariats défraient régulièrement la chronique, Google Cloud adopte une stratégie singulière. Alors que Nvidia et OpenAI viennent d'annoncer un accord historique de 100 milliards de dollars, la division cloud du géant de Mountain View mise résolument sur la prochaine génération de startups plutôt que de se battre pour les géants déjà établis.
Une stratégie alternative dans un marché en consolidation
Le paysage de l'infrastructure IA connaît une consolidation sans précédent. L'accord Nvidia-OpenAI, annoncé cette semaine, représente la dernière en date des alliances stratégiques qui redéfinissent les équilibres du secteur. Cet accord inclut des actions sans droit de vote liées à des achats massifs de puces et une puissance de calcul équivalente à celle de plus de 5 millions de foyers américains.
Microsoft a progressivement porté son investissement initial d'1 milliard de dollars dans OpenAI à près de 14 milliards, tandis qu'Amazon a injecté 8 milliards dans Anthropic. Oracle, de son côté, a surpris les observateurs en décrochant un contrat cloud de 30 milliards de dollars avec OpenAI, suivi d'un engagement stupéfiant de 300 milliards sur cinq ans à partir de 2027.
« L'IA réinitialise le marché du cloud, et Google Cloud mène la danse, particulièrement avec les startups », affirme Francis deSouza, directeur des opérations de Google Cloud, dans un entretien exclusif.
Capturer les futures licornes avant qu'elles ne grandissent
La stratégie de Google Cloud repose sur une conviction simple : dans un marché où une startup peut atteindre une valorisation de plusieurs milliards en un temps record, il est plus rentable de séduire ces acteurs prometteurs très tôt que de se disputer les géants actuels.
« Les entreprises peuvent passer du statut de startup à celui d'entreprise valorisée plusieurs milliards en très peu de temps », explique Francis deSouza, qui a rejoint la direction de Google Cloud en janvier après avoir dirigé le géant de la génomique Illumina.
Pour attirer ces futures stars, Google Cloud déploie un arsenal attractif :
- 350 000 dollars de crédits cloud
- Un accès privilégié aux équipes techniques
- Un soutien à la commercialisation via sa marketplace
- Une infrastructure de qualité professionnelle
Des arguments chiffrés qui impressionnent
Francis deSouza aime raconter sa stratégie en chiffres. Selon lui, neuf des dix plus grands laboratoires d'IA utilisent l'infrastructure Google, et près de 60 % des startups mondiales spécialisées dans l'IA générative auraient choisi Google Cloud comme fournisseur.
Plus significatif encore : la société affirme avoir aligné 58 milliards de dollars d'engagments de revenus sur les deux prochaines années, ce qui représente plus du double de son taux de croissance annuel actuel.
« Les entreprises apprécient le fait qu'elles peuvent accéder à notre pile IA, qu'elles peuvent accéder à nos équipes pour comprendre où vont nos technologies », souligne deSouza. « Elles aiment aussi avoir accès à une infrastructure de qualité professionnelle de classe Google. »
Une pile technologique « sans compromis »
Google Cloud se présente comme une plateforme « ouverte » et « sans compromis », offrant une pile technologique complète allant des puces aux modèles en passant par les applications. Cette approche contraste avec les partenariats exclusifs qui lient certains acteurs du secteur.
L'infrastructure de Google devient un argument de plus en plus déterminant. Le groupe travaille activement au développement de ses propres puces, les Tensor Processing Units (TPU), et aurait même conclu des accords pour les déployer dans les centres de données d'autres fournisseurs cloud.
Selon The Information, Google aurait notamment signé un accord avec la société londonienne Fluidstack incluant jusqu'à 3,2 milliards de dollars de soutien financier pour une installation new-yorkaise.
Un positionnement délicat face à la concurrence
La stratégie de Google Cloud n'est pas sans défis. La société doit manœuvrer avec finesse pour fournir une infrastructure à des entreprises d'IA tout en concurrençant leurs modèles avec ses propres solutions.
Google Cloud fournit ainsi ses puces TPU à OpenAI et héberge le modèle Claude d'Anthropic via sa plateforme Vertex AI, alors que ses propres modèles Gemini sont en concurrence frontale avec ces deux acteurs.
Cette position ambivalente nécessite un équilibre subtil entre collaboration et compétition, dans un secteur où les frontières entre partenaires et concurrents deviennent de plus en plus floues.
Un avantage réglementaire non négligeable
La stratégie de Google Cloud présente également un avantage dans le contexte réglementaire actuel. En se positionnant comme une plateforme ouverte qui favorise l'émergence de nouvelles startups, le groupe peut plus facilement démontrer aux autorités de concurrence qu'il ne cherche pas à étouffer l'innovation.
Cet argument devient crucial alors que les régulateurs américains et européens intensifient leur surveillance des géants technologiques, particulièrement dans le domaine de l'intelligence artificielle où les risques de concentration de pouvoir sont réels.
À retenir
- Google Cloud cible les startups IA plutôt que de rivaliser pour les partenariats avec les géants établis
- La stratégie inclut 350 000 dollars de crédits cloud et un accompagnement technique
- Près de 60% des startups IA générative utiliseraient déjà Google Cloud
- La plateforme se présente comme « ouverte » face aux alliances exclusives
- Cette approche pourrait faciliter le positionnement face aux régulateurs