Dans le paysage de la robotique, une avancée remarquable pourrait bien changer la donne. La startup Skild AI a développé un modèle d'intelligence artificielle capable de contrôler n'importe quel type de robot, même ceux qu'il n'a jamais rencontrés pendant son entraînement. Cette technologie, baptisée Skild Brain, démontre une capacité d'adaptation inédite face à des dommages physiques extrêmes.

Un cerveau universel pour la robotique

Contrairement aux approches traditionnelles qui nécessitent un entraînement spécifique pour chaque machine, Skild AI mise sur la généralisation. Leur modèle, qualifié de "cerveau omni-corps", repose sur un apprentissage massif à partir d'une multitude de robots simulés aux formes et tâches variées. Cette méthode permet au système d'acquérir une compréhension fondamentale du mouvement et de l'équilibre, transférable à n'importe quelle plateforme robotique.

"N'importe quel robot, n'importe quelle tâche, un seul cerveau. C'est absurdement général", explique Deepak Pathak, PDG et cofondateur de Skild AI.

Des capacités d'adaptation impressionnantes

Les démonstrations de cette technologie sont pour le moins spectaculaires. Un robot quadrupède équipé de Skild Brain peut continuer à se déplacer après avoir perdu une ou plusieurs pattes. Plus étonnant encore, il est capable d'apprendre à marcher sur ses membres postérieurs comme un humanoïde lorsqu'il est positionné verticalement. Cette flexibilité s'étend également à d'autres types de perturbations :

  • Adaptation à des pannes de moteur en temps réel
  • Compensation de changements morphologiques soudains
  • Navigation sur des terrains complexes et imprévisibles
  • Fonctionnement dans des conditions environnementales dégradées

La randomisation agressive comme clé du succès

Le secret de cette robustesse réside dans la méthode d'entraînement. Les chercheurs de Skild AI utilisent ce qu'ils appellent une "randomisation agressive des domaines". Le modèle LocoFormer, version académique de leur technologie, est entraîné sur une vaste gamme de robots générés de manière procédurale, chacun présentant des caractéristiques physiques et des capacités différentes.

Cette approche permet au système de développer des représentations mentales suffisamment abstraites pour s'adapter à des situations jamais rencontrées. Lorsqu'un robot subit des dommages, l'IA recalibre ses représentations internes pour trouver de nouvelles stratégies de mouvement, un processus comparable à l'apprentissage en contexte des grands modèles de langage.

Applications industrielles prometteuses

Au-delà de la locomotion, Skild AI teste déjà cette technologie pour la manipulation robotique. Le même modèle peut contrôler des bras manipulateurs qu'il n'a jamais vus auparavant et s'adapter à des changements environnementaux comme une réduction soudaine de l'éclairage. La startup collabore déjà avec plusieurs entreprises utilisant des bras robotiques industriels.

Une course technologique mondiale

Skild AI n'est pas seul sur ce créneau. Le Toyota Research Institute et la startup Physical Intelligence travaillent également au développement de modèles d'IA plus généralistes pour la robotique. Cependant, Skild se distingue par l'ampleur de la généralisation qu'elle cherche à atteindre, visant rien de moins qu'une intelligence robotique universelle.

L'engouement des investisseurs témoigne du potentiel perçu : en 2024, la startup a levé 300 millions de dollars, atteignant une valorisation de 1,5 milliard de dollars.

Enjeux éthiques et réglementaires

Si ces capacités d'adaptation extrême ouvrent des perspectives excitantes pour les robots opérant dans des environnements dangereux ou imprévisibles, elles soulèvent également des questions éthiques. La résilience poussée de ces systèmes pourrait compliquer leur contrôle dans certains scénarios, nécessitant le développement de garde-fous appropriés.

Les applications potentielles couvrent un large spectre : interventions en zones sinistrées, exploration spatiale, maintenance d'infrastructures critiques, ou encore assistance aux personnes en situation de handicap. La polyvalence de ces systèmes pourrait révolutionner de nombreux secteurs industriels.

Vers une intelligence physique généraliste

Pour Deepak Pathak, ces résultats annoncent l'émergence d'une forme de "superintelligence physique" pour les robots. Bien que la technologie en soit à ses débuts, elle représente un pas significatif vers la création de machines véritablement autonomes, capables de s'adapter au monde réel dans toute sa complexité.

À retenir

  • Skild Brain est le premier modèle d'IA capable de contrôler divers robots sans entraînement spécifique
  • Le système s'adapte en temps réel à des dommages physiques graves et à des environnements complexes
  • La technologie repose sur un apprentissage massif en simulation avec randomisation agressive
  • Cette approche ouvre la voie à des robots véritablement autonomes pour des applications critiques
  • Skild AI a levé 300 millions de dollars en 2024, témoignant du potentiel perçu