Et si la solution à la voracité énergétique des data centers se trouvait à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes ? Portée par des figures comme Sam Altman (OpenAI), Jeff Bezos ou Eric Schmidt, l’idée de délocaliser ces infrastructures critiques dans l’espace gagne du terrain face à l’urgence climatique et aux contraintes terrestres.
Une réponse à l’explosion de la demande
Les data centers, notamment ceux dédiés à l’intelligence artificielle, consomment une part croissante de l’électricité mondiale. Leur demande énergétique pourrait augmenter de 165 % d’ici 2030, selon certaines estimations. Or, plus de la moitié de cette énergie provient encore des énergies fossiles, contribuant significativement aux émissions de gaz à effet de serre.
Sur Terre, ces installations génèrent également des nuisances sonores, une consommation d’eau importante et des rejets thermiques problématiques. Face à ce constat, l’espace apparaît comme une alternative séduisante : un environnement froid naturellement, une exposition solaire permanente et aucun voisin pour se plaindre du bruit des ventilateurs.
Des projets qui prennent forme
Plusieurs startups se sont déjà emparées du concept. Lonestar Data Systems a ainsi posé un mini data center sur la Lune en 2024 – même si l’atterrisseur a fini par basculer. Starcloud planche de son côté sur le lancement d’un satellite équipé de puces Nvidia. Des chercheurs comme Ali Hajimiri (Caltech) explorent également la faisabilité technique de centres de calcul orbitaux massifs.
« Je ne dirai jamais que quelque chose est impossible, mais il y a des défis associés », tempère Ali Hajimiri, professeur à Caltech.
La baisse des coûts de lancement – environ 1 500 dollars par kilogramme – et l’amélioration des rendements des panneaux solaires rendent l’équation moins absurde qu’il n’y paraît. Hajimiri et son équipe estiment même pouvoir produire de l’électricité orbitale à 10 cents le kilowatt-heure, soit moins cher que certaines sources terrestres.
Des obstacles encore colossaux
Si l’idée séduit, sa mise en œuvre se heurte à des défis techniques et économiques majeurs. Les rayonnements cosmiques menacent l’intégrité des composants électroniques. La maintenance et les mises à jour deviendraient un casse-tête logistique, avec des interventions à des centaines de kilomètres d’altitude. La latence des transmissions pourrait également limiter les usages nécessitant des temps de réponse instantanés.
Enfin, le coût reste prohibitif. Malgré la baisse des prix des lancements, envoyer et maintenir un data center en orbite coûterait bien plus cher que de le construire en Virginie ou en Irlande. Aucune solution opérationnelle à grande échelle n’est attendue avant plusieurs années, voire décennies.
Un Far West réglementaire en perspective
L’absence de cadre juridique clair pour les activités commerciales dans l’espace pourrait toutefois attirer certaines entreprises. Aujourd’hui, construire un data center sur Terre implique permis, études d’impact et concertations. En orbite, ces contraintes disparaissent – pour le moment.
Les États commencent toutefois à s’intéresser à la question, conscientes que la course à l’espace pourrait nécessiter de nouvelles règles du jeu. Le vide juridique actuel ne durera probablement pas.
Et demain ?
Pour Matthew Weinzierl, économiste à Harvard, les data centers spatiaux trouveront peut-être d’abord des débouchés niche : traitement de données collectées dans l’espace, applications militaires ou scientifiques. Rivaliser avec les infrastructures terrestres supposera de concurrencer sur les coûts et la qualité de service – un pari risqué à court terme.
Reste que l’idée fait son chemin, y compris chez certains élus locaux. À Tucson, en Arizona, une conseillère municipale a plaidé pour investir dans la R&D spatiale plutôt que d’accepter un nouveau data center dans le désert. Preuve que le projet, aussi science-fictionnesque qu’il paraisse, commence à irriguer les débats sur l’aménagement du territoire et la transition énergétique.
À retenir
- La demande énergétique des data centers IA pourrait bondir de 165 % d’ici 2030.
- L’espace offre une énergie solaire continue et évite les nuisances terrestres.
- Plusieurs startups (Lonestar, Starcloud) développent des prototypes.
- Les défis techniques (rayonnement, maintenance, latence) restent immenses.
- Aucun déploiement massif n’est attendu avant plusieurs années.