La lutte contre le cancer pourrait bien connaître une avancée significative grâce aux travaux de Tatum Bioscience. Cette startup sherbrookoise a récemment publié des résultats précliniques encourageants pour son approche d'immunothérapie anticancéreuse, présentée comme plus scalable que les vaccins personnalisés actuellement en développement.

Une technologie innovante basée sur des nanofilaments

Fondée en 2019 par des chercheurs de l'Université de Sherbrooke, Tatum Bioscience développe une approche originale utilisant des nanofilaments protéiques dérivés de virus bactériens. Ces structures moléculaires se lient spécifiquement aux cellules cancéreuses et servent de signal d'alarme pour le système immunitaire.

Contrairement aux vaccins personnalisés qui nécessitent un séquençage individualisé et une production complexe pour chaque patient, la technologie de Tatum offre une plateforme reproductible pouvant s'adapter à différents types de cancers. Cette caractéristique pourrait représenter un avantage décisif en termes de coût et de déploiement à large échelle.

Des résultats convaincants sur modèles animaux

Les résultats publiés dans le Journal for Immunotherapy of Cancer montrent que le traitement a permis d'éliminer les tumeurs chez la majorité des souris traitées. Plus remarquable encore, ces animaux ont développé une protection immunitaire durable : après réinjection de cellules cancéreuses, aucune tumeur ne s'est développée.

Le Dr Gerald Batist, conseiller médical de Tatum et directeur du Centre du cancer Segal de l'Hôpital général juif de Montréal, qualifie ces résultats de « pas en avant majeur ». Selon lui, l'activation simultanée des réponses immunitaires innée et adaptative représente un mécanisme particulièrement prometteur.

Un mécanisme d'action double

Jean-François Millau, PDG et cofondateur de Tatum, compare le système immunitaire à un orchestre : « Pour une réponse antitumorale puissante, chaque instrument – ou composant cellulaire – doit jouer sa partition au bon moment. C'est ce que réalise notre candidat médicament. »

Le traitement agit en « démasquant » les cellules cancéreuses qui parviennent habituellement à échapper à la vigilance du système immunitaire. Une fois repérées, ces cellules sont ciblées et éliminées par les défenses naturelles de l'organisme.

Avantages par rapport aux approches existantes

Contrairement à la chimiothérapie qui s'attaque indistinctement aux cellules cancéreuses et saines, l'immunothérapie de Tatum vise spécifiquement les cellules tumorales. Cette spécificité pourrait réduire considérablement les effets secondaires tout en améliorant l'efficacité du traitement.

La plateforme technologique présente également l'avantage de s'appuyer sur la tumeur elle-même comme source d'antigènes, permettant une adaptation flexible à différents types de cancers sans nécessiter de personnalisation extrême.

Prochaines étapes et défis financiers

Tatum Bioscience vise maintenant le passage aux essais cliniques humains, avec l'objectif de démarrer ces études d'ici 2027. Cependant, ce calendrier ambitieux dépendra de la capacité de la startup à sécuriser le financement nécessaire.

La société avait initialement annoncé son intention de lever 45 millions de dollars canadiens. À ce jour, elle a obtenu 5,8 millions de dollars auprès d'investisseurs québécois dont BoxOne Ventures, Sherbrooke Innopole et ACET Capital.

Kevin Neil, cofondateur et directeur scientifique de Tatum, souligne : « Reproduire ces résultats chez les patients est notre objectif alors que nous avançons vers le développement clinique. »

Contexte et perspectives du marché

Le développement de vaccins anticancéreux connaît un regain d'intérêt depuis la pandémie de COVID-19, qui a démontré la capacité de l'industrie pharmaceutique à développer rapidement des plateformes vaccinales innovantes.

Le marché des immunothérapies anticancéreuses représente un enjeu économique majeur, avec des perspectives de croissance importantes. L'approche scalable de Tatum pourrait positionner favorablement la startup dans ce paysage compétitif.

Néanmoins, le contexte de financement reste difficile pour les jeunes pousses canadiennes des sciences de la vie, particulièrement en phase early-stage. La réussite de la levée de fonds sera donc déterminante pour l'avenir du projet.

À retenir

  • Technologie basée sur des nanofilaments dérivés de virus bactériens
  • Résultats démontrés sur souris : élimination des tumeurs et immunité durable
  • Activation double du système immunitaire (inné et adaptatif)
  • Approche scalable contrairement aux vaccins personnalisés
  • Objectif d'essais cliniques d'ici 2027 sous réserve de financement