Dans une collaboration stratégique révélée cette semaine, Google DeepMind unira ses forces avec Commonwealth Fusion Systems (CFS), une startup spécialisée dans l'énergie de fusion. L'objectif : utiliser l'intelligence artificielle pour optimiser le fonctionnement du futur réacteur Sparc de CFS, dont la mise en service est prévue pour fin 2026.
Une alliance technologique pour maîtriser le plasma
Au cœur de cette collaboration se trouve le logiciel Torax développé par DeepMind, capable de simuler le comportement du plasma à l'intérieur des réacteurs à fusion. Cette technologie sera couplée à des modèles d'intelligence artificielle pour identifier les configurations optimales permettant d'atteindre et de maintenir les réactions de fusion nucléaire.
« Le logiciel Torax peut être utilisé avec l'apprentissage par renforcement ou des modèles de recherche évolutive pour trouver les voies les plus efficaces et robustes pour générer une énergie nette », explique Google dans son communiqué.
Le défi technique de la fusion nucléaire
La fusion nucléaire représente l'un des graals énergétiques du XXIe siècle. Contrairement à la fission utilisée dans les centrales nucléaires actuelles, la fusion promet une énergie propre, quasi illimitée et sans déchets radioactifs de longue durée. Le principe consiste à reproduire les réactions qui alimentent le soleil en fusionnant des atomes d'hydrogène.
Mais le chemin vers la fusion contrôlée est semé d'embûches techniques. Le principal défi consiste à maintenir le plasma – ce gaz surchauffé où se produisent les réactions de fusion – à une température de plusieurs millions de degrés pendant une durée suffisante.
La complexité du contrôle en temps réel
Dans les réacteurs de CFS, des aimants supraconducteurs extrêmement puissants remplacent la gravité naturelle des étoiles pour confiner le plasma. Cependant, ce confinement reste imparfait et nécessite un ajustement permanent de milliers de paramètres.
« Les opérateurs de réacteurs doivent développer des logiciels de contrôle capables de permettre à l'appareil de réagir continuellement aux conditions changeantes du plasma », souligne Tim De Chant, journaliste spécialisé dans les technologies climatiques.
L'IA comme solution naturelle
C'est précisément dans ce domaine que l'intelligence artificielle pourrait faire la différence. Face à la complexité des systèmes de contrôle – avec « presque trop de boutons à tourner pour un être humain » selon les experts – l'IA apparaît comme la technologie idéale pour gérer cette multitude de variables en temps réel.
Les spécialistes considèrent d'ailleurs l'IA comme l'une des technologies clés ayant permis les progrès remarquables de l'industrie de la fusion au cours des dernières années.
La stratégie énergétique de Google
Cette collaboration s'inscrit dans une vision plus large de Google, qui voit dans la fusion nucléaire une source d'énergie potentielle pour alimenter ses data centers particulièrement gourmands en électricité. Les entreprises spécialisées dans l'IA manifestent un intérêt croissant pour les startups de la fusion, conscientes que leurs besoins énergétiques ne cessent d'augmenter.
Google n'en est pas à son premier investissement dans ce domaine. Le géant technologique a déjà travaillé avec TAE Technologies, un autre acteur de la fusion, et participe activement au financement de CFS. En août dernier, Google a contribué à hauteur de 863 millions de dollars au tour de table de série B2 de la startup.
Un approvisionnement énergétique garanti
Plus significatif encore : Google a signé un accord pour acheter 200 mégawatts d'électricité provenant de la future centrale commerciale Arc de CFS, dont la construction est prévue près de Richmond, en Virginie. Cet engagement commercial démontre la confiance de Google dans la viabilité future de la technologie développée par CFS.
Le calendrier de Sparc
CFS construit actuellement son réacteur démonstrateur Sparc dans la banlieue de Boston. L'installation est déjà aux deux tiers terminée et devrait être opérationnelle fin 2026. La startup affirme que Sparc sera le premier dispositif de fusion capable de produire plus d'énergie qu'il n'en consomme – le fameux « net energy gain » qui représente le saint Graal de la fusion contrôlée.
Si cet objectif est atteint, il marquerait une étape historique dans la quête de l'énergie de fusion, ouvrant la voie à une commercialisation à grande échelle.
Les enjeux réglementaires et éthiques
Le développement de l'énergie de fusion soulève également des questions réglementaires et de sécurité. Contrairement à la fission nucléaire, la fusion ne présente pas de risque d'emballement de la réaction, mais le confinement du plasma et la gestion des neutrons énergétiques produits lors de la fusion nécessitent des précautions particulières.
Les autorités de régulation devront adapter leur cadre législatif à cette nouvelle technologie, tandis que les acteurs du secteur devront démontrer la sûreté et la fiabilité de leurs installations.
Perspectives pour l'industrie énergétique
La réussite de la fusion nucléaire pourrait révolutionner le paysage énergétique mondial. Avec comme combustible principal l'hydrogène présent dans l'eau de mer, cette technologie offre la promesse d'une énergie abondante, décarbonée et disponible partout dans le monde.
Pour les géants technologiques comme Google, maîtriser cette source d'énergie représente un avantage stratégique majeur, leur permettant de sécuriser leur approvisionnement électrique tout en réduisant leur empreinte carbone.
« L'IA pourrait être particulièrement adaptée pour rendre l'énergie de fusion possible », estiment les experts du secteur.
À retenir
- Google DeepMind collabore avec Commonwealth Fusion Systems pour optimiser les réacteurs à fusion via l'IA
- Le logiciel Torax simulera le plasma et identifiera les configurations optimales
- CFS prévoit que son réacteur Sparc produira plus d'énergie qu'il n'en consomme dès 2026
- Google investit et s'approvisionne auprès de startups fusion pour alimenter ses data centers
- La fusion représente une source d'énergie propre et quasi illimitée à partir de l'eau